SAV ! qui peut, entretien
de la mécanique
(Interview)
Entretien avec Savin Yeatman-eiffel, créateur de Molly, co-réalisateur
du pilote et directeur de Sav! The World.
AnimeLand : Quelles ont été vos influences
?
Savin Yeatman-eiffel : Molly Star-Racer mélange plein
de souvenirs d'enfance les Fous du volant, Star Wars (les premiers
Star Wars, pas La Menace... on est bien d'accord). Le Petit prince
et toutes les séries d'anime d'aventures dans la lignée
de Dragon Ball, qu'on a eu la chance de voir il y a quelques années
déjà a la télé française. II
y a trois ans, avec cette même équipe à quelques
personnes près, on avait proposé Oban Racer, qui était
dans la même veine avec un héros masculin. Mais les
diffuseurs ne voulaient pas entendre parler d'anime. On a donc rangé
Oban dans les cartons et on s'est lancé sur un autre projet
ambitieux, d'un genre complètement différent, Thomas
& Co. : une chronique de la vie quotidienne basée sur
les aventures d'une bande de gamins de banlieue, un truc très
réaliste. Molly a bénéficié des progrès
qu'on a fait sur ce projet, la rigueur, les parti pris esthétiques...
Molly, aujourd'hui, est un projet hybride, qui mélange pèle-mêle
humour slapstick*, action, aventure et même un certain mysticisme
(Isis a une très bonne raison pour organiser la course, une
raison que l'on ne découvrira que dans le tout dernier épisode
de la série). Personnellement je suis un grand fan du cinéma
asiatique (Hongkong, Taiwan, Japon...)- Ce que j'apprécie
énormément dans ce cinéma c'est qu'il n'y a
aucune limite dans la façon de raconter les histoires. On
peut passer d'une scène comique a une scène extrêmement
tragique, et puis rebondir sur une scène d'action, sans que
cela ne soit gênant. Les genres se mélangent, s'entrecroisent.
L'équivalent en animation n'existe qu'au Japon et c'est un
peu de ça que l'on voudrait nourrir nos scénarios.
Pour faire passer ce mélange aux diffuseurs, il aura fallu
quelques années et surtout que Pokemon et ses taux d'audience
records passe par là.
AL : A qui s'adresse la série?
S Y-E : La série vise principalement les pré-ados,
mais nous espérons qu'il y aura plusieurs degrés S
lecture dans la série et que nous pourrons toucher un public
plus large, aussi bien du côté des tout petits, que
chez les ados et les adultes fans d'anime.
AL : Qui forme I'équipe graphique ?
S Y-E : les dessinateurs de l'équipe Thomas romain,
Loic penon, alias "Loixm", et Stanislas brunet sont très
talentueux, mais aussi très complémentaires. Ils ont
chacun un univers personnel et des styles très différents.
Thomas et Loic avaient déjà collaboré sur le
court métrage Squat où Thomas s'occupait plutôt
des décors et Loic bossait principalement sur les personnages.
Sur Molly, nous avons un peu repris ce système la, mélanger
les styles pour enrichir l' ensemble. Thomas est a la fois designer
et animateur, il a une gamme de dessin très large. Loixm,
lui, vient de la BD, II a un style très underground, très
radical. Le mélange des deux sur le design des personnages
donne tine gale-rie de héros très varice. Stanislas,
lui, s'est occupe de toute la parie mecha design de la série
(vaisseau et tous les accessoires). Il pourrait faire fortune en
dessinant des carrosseries chez Peugeot, mais heureusement pour
nous, il préfère la SF...
AL : Pourquoi avez-vous choisi de la J-Pop comme style musical
?
S Y-E : Les Japonais récupèrent tous les courants
musicaux de la planète. II y a du rap japonais, du Hard-Rock
japonais le Visual Rock de la house et de la techno japonaise. A
chaque fois, sans vraiment créer quelque chose de vraiment
révolutionnaire, ils apportent une louche de légèreté
a la musique, un côté fun qu'on ne trouve pas ailleurs.
Pour Molly on a téléchargé des centaines de
morceaux avant de tomber sur cette version remix de hamasaki Ayumi.
On se posait plein de questions sur le rythme du pilote, dés
qu'on a écouté ce morceau, tout s'est cristallisé
d'un seul coup. Thomas (l'autre co-réalisateur du pilote)
a calé le story-board sur la musique et boum ! C'est parti.
Comme c'est un remix très rapide, on a pas moins de 70 plans
sur les premières 85 secondes !
AL : Pourquoi avoir choisi la 3D pour la réalisation
d'une série en 26x26, les coûts de production ne sont-ils
pas plus élevés que pour de I'animation 2D ?
S Y-E : II est vrai que l'animation 3D revient plus cher.
Mais tout dépend des moyens que l'on a à sa disposition
et de ce que l'on veut obtenir. Au départ, notre idée,
c'était de faire les persos en 2D et les vaisseaux en 3D.
Mais cela soulève de gros problèmes d'intégration
si on veut vraiment un résultat de qualité. Finalement,
l'equipe de SPARX, qui a travaillé sur la 3D du pilote, nous
a convaincus de tout modéliser - et franchement je ne le
regrette pas. Ils ont fait un super boulot. Pour coller le plus
près possible a l'animation 2D, et au style japonais, plus
particulièrement, nous avons utilise une technique de rendu
2D avec un gros cerné noir, et nous avons travaille l'animation
en Key frame*, c'est à dire que toute l'animation est faite
par des animateurs 3D, sans aucun recours à la motion capture*.
C'est plus long, mais de cette manière on peut jouer sur
des effets très dynamiques pose-to-pose*. La motion capture,
je suis un peu allergique. La technologie avance à grand
pas, d'accord, mais quand on voit le résultat, on a souvent
l'impression de faire un grand retour en arrière, a l'epoque
des poupées siciliennes. Les persos n'ont pas de poids, ils
flottent dans l'espace, ça bouge de partout, ça perd
toute sa force... Fin de la parenthèse, pour en revenir à
Molly, je serais bien intéressé de savoir ce que pensent
les Japonais de notre pilote. Ce sont les rois de la 2D, mais ils
ne sont pas encore très a l'aise en 3D. Qui sait, peut-être
qu'on pourrait travailler avec eux sur la série ? Un juste
retour aux sources, non ?
AL : Indéniablement votre série a déjà
son public, espérons que les encouragements et l'enthousiasme
des investisseurs n'étaient pas factices. Une chose est sure,
vous avez réalisé le fantasme de toute une génération,
il y a tellement d'animateurs ou de spectateurs qui rêvaient
qu 'un tel projet voit le jour en France. Bon courage !
Walo
Interview réalisée le 26 Septembre 2001
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1- Slapstick: humour tarte-a-la-crème
2- Key frame: Technique d'animation 3D. Plus chère que la
motion capture, elle a I'avantage d'être plus esthétique.
3- Motion capture: pour une meilleure compréhension du sujet
lire AL n°72 p. 62. Comme le terme I'indique il s'agit de capture
du mouvement et non de création du mouvement.
4- Pose-to-pose: de pose-clé a pose-clé. C'est-à-dire
qu'il n'y a pas de phase intermédiaire entre chaque pose-clé
ou phase extrême.
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