
Faites excuses, mais pour le coté coup de gueule de mon post précédent j'ai juste pas envie de me justifier... S'excuser chaque fois qu'on s'enflamme sur un forum, c'est comme dire pardon chaque fois qu'on marche sur les pieds d'un gus dans une fosse de concert, on s'en sort plus... mieux vaut que ceux qui ont les pieds fragiles restent chez eux...
(ça c'était une digression gratuite et un fuck off à tous les bobos qui ont pourri hier soir le concert de Nick Cave

)

Bon, pour préciser ma position ...
Premier point, je ne revendique rien du tout. Sur l'histoire des soixante dix pour cent, j'ai adopté - volontairement - une position un peu carricaturale parce que ça me gonfle de voir qu'on peut trouver choquant qu'un scénariste empoche l'argent dévolu à l'écriture du scénario...

Au risque de me répéter, c'est JUSTE normal.
Prenons un exemple... si vous faîtes construite votre maison et que vous faites appel à un architecte ET à un entrepreneur, ça vous viendrait à l'idée de filer à l'entrepreneur le fric de l'architecte ? Moi non. Pourtant, l'entrepreneur joue un rôle créatif. Il adapte les idées de l'architecte aux contraintes de la réalité. Il peut être amené à s'éloigner beaucoup des plans originaux et parfois même à faire une maison plus belle que celle que l'architecte avait conçue au départ. C'est un travail qui mérite rétribution, on en est d'accord. Mais ça ne vous viendrait pas à l'esprit de vous pointer chez l'architecte et de lui demander de rétro-cèder la moitié de ses honoraires à l'entrepreneur...
Alors pourquoi ce serait différent sur un scénario ?

ça, c'est pour le cas général ... maintenant - et c'est ce qui a du te donner, O mon Bereu, l'impression que je me contredis - je pense aussi qu'il existe des cas particuliers, notamment en ce qui concerne des oeuvres dont le ton, très cartoon, font que la narration se fait autant si ce n'est plus au board qu'au scénario.

Dans ce cas, on peut souhaiter une autre répartition mais PAS en donnant au boarder une part des droits dévolus au scénariste.

Pourquoi ? Par ce que ce serait ouvrir la porte à une modification statutaire complexe et dangereuse.

Ce qu'il faut faire, à mon sens, dans le cas d'une série très cartoon, c'est plutôt redéfinir l'objet scénario.
Plutôt que de demander à deux personnes de faire le même travail, ce qui les place dans un rapport malsain de concurence, mieux vaut les associer en définissant mieux leur rôles respectifs.
Dans la pratique, ça veut dire : plutôt que d'attendre d'un scénariste qu'il accouche d'une déferlante de gags visuels (ce qu'il risque de faire moins bien qu'un boarder) mieux vaut lui passer commande d'un canevas plus simple, équivalent à une sorte de gros synopsis, qui pose le thème de l'épisode et quelques sitiations clefs.
Ensuite, on laisse partir le boarder en roue-libre, et vas-y que je t'envoie du gag visuel qui tue la mort et que je pousse aussi loin que possible les quelques situations clé avancées par le scénariste.
Enfin, le scénariste peut en repasser une couche pour lisser les dialogues avec son pote boarder et ils ont plus qu'à aller boire une mousse au bistro d'en face bras dessus bras dessous.
Ici, le scénario voit sa définition adaptée à la spécificité du produit : ce n'est pas SEULEMENT le canevas du scénariste qui est considéré comme le script mais EGALEMENT le travail du border.
Le scénario est écrit à quatre mains par DEUX auteurs.
Ainsi DE FAIT, le boarder devient CO-SCENARISTE et c'est A CE TITRE qu'il touche, bien légitimement, les droits correspondant.

Dans cette optique, tout le monde est gagnant :
- Le SCENARISTE, parce que même s'il a touché moins de tunes il sait pourquoi : il a fourni moins de travail, il y a passé moins de temps et surtout il ne s'est pas fait chier à pondre des gags visuels pour les voir en bonne partie refaits au board.
- Le BOARDER parce que, en plus de son salaire de technicien, il touche en temps que CO-SCENARISTE une part de droits d'auteur. Non seulement ça lui fait plus de beurre dans ses épinards, mais en plus, il est enfin reconnu comme un artiste, tout ça...
- Le PRODUCTEUR parce qu'il n'a pas payé la même chose deux fois. Au lieu de casquer plein pot une version définitive de script au scénariste et faire ensuite tout refaire par le boader, il a acheté un seul et même objet qui fait oeuvre commune des talents de chacun ...
- Le SYNDICALISTE parce que la notion de droit d'AUTEUR n'est PAS remise en question. Ici, même si c'est de la même personne qu'il s'agit, ce n'est pas en temps que boarder que le boarder a touché des sous dévolu à l'écriture de scénario mais en temps que scénariste.
CQFD ...
Enfin et pour mettre un terme à cette interminable crise de flooding, je vais tacher de répondre en termes simple à la question soulevée par Bereu sur scénaristes et salaires.
En quoi est ce que les scénaristes ne touchent pas de salaire ???
C'est très simple. Et j'aurai du commencer par là. Les artistes ne relèvent PAS du droit du travail mais du code de la propriété intellectuelle. D'un point de vue légal, les ARTISTES NE TRAVAILLENT PAS, ils cèdent le DROIT d'EXPLOITATION de leurs OEUVRES.
C'est pour ça que nous ne sommes pas intermittents. Les intermittents comme leur noms l'indiquent, travaillent par intermittence tandis que, nous - auteurs - ne travaillons JAMAIS.
C'est aussi pour ça que nous avons une couverture sociale aussi réduite. Au yeux de la loi, on ne BOSSE pas, on n'a donc pas droit aux avantages sociaux des travailleurs. C'est logique. Et c'est ce qui fait que nous n'avons aucune assurance-chomage.
L'argent que je gagne au moment ou j'écris n'est PAS un salaire, c'est une avance sur l'argent que me doit le pdoducteur (au titre des RNPP) pour avoir le droit, cédé par contrat, d'exploiter mon oeuvre et sur celui que me doit la SACD au titre des droits de diffusions.
C'est pour ça que nous ne touchons pas de salaire, Bereu. A aucun moment, il ne s'agit de travail, il s'agit uniquement de l'exploitation de la PROPRIETE INTELLECTUELLE.
Celà dit, plus que le régime des intermittents - qui n'est en rien le prix de la liberté mais juste une dérive sordide dont profitent les producteurs pour lourder qui bon leur semble quand bon leur semble et détourner les fonds d'aide publique comme substitus de salaire - c'est CA qui est une exception culturelle française.

Mais pour peu que, comme moi, on se sente l'âme d'un intellectuel mais pas celle d'un propriétaire ça peut aussi poser de sérieux problèmes éthiques. Que faire de cette notion de propriété intellectuelle si comme Makho, Proudhon et Bakounine on considère que "la propriété c'est le vol" ???
Une des réponses que j'ai trouvé est de me mettre hors la loi et de fabriquer des films qui, parce qu'ils contreviennent aux règles du droit d'auteur, ne peuvent pas me rapporter d'argent au titre de la propriété intellectuelle.

Je dors mieux comme ça ... en pensant qu'au lieu d'"exploiter ma propriété" je "partage mes énergies" ...
Evidemment, vu que j'ai besoin de bouffer, je ne peux pas fonctionner comme ça dans l'animation, mais je le fais comme cinéaste indépendant et cette question est au coeur du groupe ADOGMA que quelques potes et moi essayons de mettre en place ... Et puisqu'on en est là, je vous invite cordialement à en suivre dès demain les aventures updatées sur notre zoli site internet : adogma.org et hop prend donc un p'tit verre de pub en passant ...
Bon allez, sans rancune ... Je retourne de ce pas écraser des pieds de bobos qui ne vont aux concerts de rock que pour prendre des photos ...
